Le capitalisme, de l'idéal libéral à la brutalité néolibérale : une impasse historique ?

Temps de lecture: 11 min , Dernière mise à jour: 30/06/2025

Sommaire


Le capitalisme, tel qu’il s’est développé depuis le XIXe siècle, promettait progrès et prospérité. Mais à l’heure de la crise écologique et des tensions géopolitiques, il révèle ses dérives et ses limites : sommes-nous à l’ère du capitalisme terminal voir celui de la finitude ? Pour reprendre les termes d'Arnaud Orain.[1]

I. Aux origines : le capitalisme libéral du XIXe siècle

Le capitalisme tel que nous le connaissons aujourd’hui est né avec l’ère industrielle au XIXe siècle. Deux grandes puissances, la France et la Grande-Bretagne ont été les fers de lance de cette transformation historique. Ce capitalisme « classique » ou libéral, fondé sur la liberté d’entreprendre, la propriété privée et la concurrence non faussée, prétendait garantir l’élévation du niveau de vie pour tous.

La libre concurrence

Selon ses dogmes fondateurs, les États, les entreprises et les individus devaient trouver, dans la libre concurrence, les conditions de leur enrichissement mutuel. La paix sociale serait assurée par un partage plus ou moins équitable des richesses créées. Et de fait, cette période a vu dans ces deux pays une amélioration réelle des conditions de vie… pour une partie de la population.

Mais ce modèle s’est rapidement confronté à ses limites : l’accumulation du capital au profit de quelques-uns, l’exploitation des ouvriers, et surtout, le recours massif au colonialisme pour approvisionner les industries et écouler les surplus.

II. Le tournant néolibéral (1980-2000)

Il a abouti à la mondialisation, le libre-échange et les illusions.

À partir des années 1980, le néolibéralisme s’impose à l’échelle mondiale. Sous l’impulsion des gouvernements Reagan et Thatcher, puis avec l’émergence de l’OMC et de la dérégulation financière, un nouveau dogme s’est installé : la mondialisation des marchés devait être la solution à tous les problèmes !

L’ouverture de la Chine au commerce mondial, notamment après son entrée à l’OMC en 2001, est souvent citée comme un succès : elle aurait permis à des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté. Mais à quel prix ? Délocalisations, destruction de l’industrie occidentale, montée des inégalités… Le néolibéralisme, s’il a enrichi certains pays émergents, a aussi appauvri des classes moyennes dans les pays développés et intensifié la course aux ressources.

Le capitalisme de l'idéal libéral à la dérive néolibérale.

Le néolibéralisme est une doctrine politique qui privilégie le marché et la compétition sur l'État et la solidarité. Il instaure et valorise l'individualisme, la compétition et méprise l'action collective et l'autorité publique, puisqu'elles servent à instaurer des règles contraires à la liberté. Il réduit le rôle de l'État pour favoriser la liberté du commerce. Ces applications concernent un allègement fiscal, le désengagement de l'État, la réduction des dépenses publiques, des impôts, des frais douaniers toujours dans l'intérêt des multinationales avec de graves conséquences sociales, économiques et environnementales.

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III. Un capitalisme maintenu sous perfusion

Aujourd’hui, les institutions du capitalisme mondial — marchés, banques centrales, échanges commerciaux, monnaies fiduciaires — existent toujours, mais leur fonctionnement est devenu hautement artificiel. On maintient en vie un système au prix de dettes abyssales, de politiques monétaires extrêmes, et parfois de violences directes.

Car l’accaparement des richesses ne passe plus uniquement par le marché, mais par des formes modernes d’impérialisme, de guerres hybrides, de manipulations géopolitiques. La compétition pour les terres, les ressources et l’énergie est relancée.

Certains théoriciens cyniques défendent même que la surpopulation mondiale justifierait des conflits ou des déplacements de populations pour préserver le niveau de vie des plus puissants. Les guerres de conquête ne sont pas un accident de l’histoire : elles sont structurellement liées à un capitalisme en fin de course. Le militarisme mène une guerre totale à la nature. [1]

IV. Le SMI (Système Militaro Industriel)

Après la Seconde Guerre mondiale, le SMI (Système Militaro Industriel) est né de l'alliance entre les militaires, les industriels et les politiques aux États Unis en 1945. le but lier les connaissances scientifiques, la technologie (maintenant numérique avec l'IA) avec l'assentiment des politiques infiltrés et corrompus. Sous la période Biden par exemple, le secrétaire de l'US Force Frank Kendall III, ingénieur et officier réserviste de l’Armée américaine (West Point, diplômé 1971), avec une carrière dans la logistique, l'acquisition et la R&D au sein du Pentagone en poste du 28 juillet 2021 jusqu’au 20 janvier 2025 déclarait "si vous conservez un être humain dans la chaîne de décision prise par l'intelligence artificielle vous êtes perdant".

Plus tard, dans la guerre à Gaza, l'IA a permis de recenser 37 000 cibles potentielles (en extrapolant sur le territoire français cela représenterait environ 1 million d'individus. Le recours à l'Intelligence Artificielle permet une guerre totale sans foi, ni loi, ni état d'âme.

Entre 2014 et 2024, l'Union Européenne a doublé ses dépenses militaires. Elle prépare Grande-Bretagne incluse avec les USA et la Chine le plus grand risque de catastrophe pour l'humanité avec le principe de "tout ce qui peut exister doit être essayé" . Ainsi des missiles lancés à mach 7, des ondes électromagnétiques 5G destinées à faire bouillir les yeux des ennemis (système adapté aux télécommunications civiles de votre téléphone portable en attendant la 6G), des porte containers placés sur des bateaux marchands contenant des missiles à tête nucléaire, rien n'y échappe. Les grandes puissances peuvent faire exploser une partie de la planète et la rendre inhabitable.

V. L'extractivisme moderne : terre, mer....et espace ?

Autrefois motivées par la quête d’or ou de colonies, les puissances actuelles lorgnent désormais vers des ressources extracôtières ou extraterrestres. L’exploitation des grands fonds marins pour extraire cobalt, lithium ou terres rares, la sur pêche industrie gaspilleuse et destructrice malgré ses effets dévastateurs sur les écosystèmes océaniques sont en cours. Et cela malgré les belles promesses, les réunions, congrès, et autres acronymes qui cachent une prodigieuse avidité pour les ressources.

Un constructeur de voitures électriques bien connu, également engagé dans les programmes spatiaux, a un temps séduit des dirigeants américains désireux d’exploiter les ressources d’autres planètes. Mais même ces rêves lunaires ou martiens semblent désormais moins urgents que l’exploitation totale de la Terre elle-même.


🌊 Les océans, en particulier, sont perçus comme la dernière frontière d’un capitalisme extractif prêt à tout sacrifier. Pourtant, sans eux, sans les forêts, sans biotopes, le cycle de la vie s’effondre. Les billets de banque ne se mangent pas, même s’ils remplissent des coffres-forts entiers. « Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson pêché, alors seulement vous découvrirez que l'argent ne se mange pas. » Proverbe amérindien d'un sage habitant l'actuel Dakota abattu en 1890.

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VI. Un monde fini face à un appétit infini

Le marché ne peut plus répondre aux besoins d’une population mondiale toujours plus nombreuse avec des ressources désormais limitées. L’eau douce se raréfie, les sols s’épuisent, la biodiversité s’effondre.

La montée en puissance de la Chine pose un défi supplémentaire : avec sa force de production et ses ambitions géopolitiques, elle réduit encore les marges de manœuvre pour les autres nations. L’humanité découvre qu’elle vit sur une planète trop petite pour des appétits aussi démesurés.

VII. La grande illusion de la décarbonation

Face à l’urgence climatique, réchauffement climatique, fonte des glaciers, montée des océans, disparition de la biodiversité, raréfaction de l’eau et des ressources. les élites économiques et politiques promettent…. une décarbonation du système ! : voitures électriques, énergies renouvelables, hydrogène vert… Mais ces projets supposent une extraction massive de nouvelles ressources pour créer des énergies renouvelables, souvent plus polluantes que le pétrole lui-même, car elles l'utilisent massivement pour l'extraction, le transport, les process.

Ces stratégies ne visent pas un changement de modèle, mais le maintien d’un mode de vie occidental devenu insoutenable avec l'essor absolument délirant, non respectueux et affolant des ressources terrestres. Derrière le discours vert se cache une intensification de la compétition mondiale, y compris par la guerre, afin d'accaparer les ressources rares.

Pendant ce temps, la réalité scientifique s’impose : les glaciers fondent, le niveau des mers monte, les océans sont saturés de bouteilles, films et micro plastique avec cette inconscience collective, la biodiversité disparaît. La planète se réchauffe, inexorablement. La planète n'est pourtant pas en danger.

Vers une sortie par le haut

Il faut repenser nos modèles pour un futur soutenable. Si le capitalisme néolibéral s'avère être une impasse historique, cela ne signifie pas qu'aucune issue n’est possible. Bien au contraire. Il est temps de substituer à la logique de compétition généralisée une vision fondée sur la coopération, la sobriété, la résilience et le bien commun.

  • Relocaliser les activités essentielles, non pas dans une logique de repli, mais pour renforcer l'autonomie, la sécurité alimentaire, énergétique et sanitaire, tout en créant de l'emploi local et utile.
  • Réorienter l'investissement public et privé vers les secteurs qui soignent plutôt que ceux qui détruisent : agriculture écologique, rénovation thermique, énergies renouvelables, économie circulaire, transports doux, soin, culture, éducation…
  • Définir des indicateurs de richesse plus pertinents que le PIB, intégrant la santé des écosystèmes, la qualité des liens sociaux et le bien-être réel des populations.
  • Réduire les inégalités à la racine, en plafonnant les écarts de revenus, en luttant contre l’évasion fiscale, en démocratisant l’actionnariat et en rendant les grandes entreprises redevables de leur impact social et environnemental.
  • Donner du pouvoir aux territoires, aux citoyens et aux travailleurs dans les décisions économiques, pour que la transition ne soit pas imposée d’en haut mais co-construite, adaptée, durable.

Conclusion : vers un capitalisme terminal ?

Le capitalisme, dans sa forme libérale ou néolibérale, semble avoir atteint ses limites historiques. Né de la liberté d’entreprendre, il se termine dans le pillage, la surveillance, et maintenant les guerres sur toute la planète.

Le défi n’est pas technologique, il est avant tout culturel et politique. Sortir du capitalisme prédateur n’est pas revenir au passé : c’est inventer un futur dans lequel l’économie redeviendrait un moyen au service de la vie — et non l’inverse.

La vraie modernité ne consistera pas à rendre le système actuel « plus vert » ou « plus connecté », mais à le transformer en profondeur pour répondre aux besoins réels d’un monde fini.

La question n’est plus de savoir s’il peut continuer, mais à quel prix, et pour qui. Les mécanismes de marché ne fonctionnent plus dans un monde fini, avec une nature exsangue et une humanité surpeuplée. Il faudra bien inventer autre chose.

Lectures conseillées

[1] Arnaud Orain. Le capitalisme de la finitude en mode lecture libre et Le monde confisqué. Essai sur le capitalisme de la finitude (XVIe-XXIe siècle) Editions Flammarion.

[2] Un monde en guerre Textuel 2024 de l'économiste Serge Serfati



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