La Cour de Cassation révèle le défaut caché laine de verre

Temps de lecture: 10 min , Dernière mise à jour: 03/10/2023
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Un long conflit de 18 ans a opposé  un syndicat de fabricants de laines minérales à un petit fabricant de PMR (produit mince réfléchissant) qui affirmait dans une publicité que son produit Actis son isolant Triso Super 9 était aussi efficace que 20 cm de laine de verre. La Cour de Cassation a débouté en novembre 2019 les 2 sociétés et a révélé un défaut d'écoulement à l'air de la laine de verre imprévu qui est apparu lors d'études diligentées par la Cour d'appel de Versailles. Déboutées, les 2 firmes Actis et le Filmm ont été renvoyées dos à dos. Les études réalisées démontrent qu'il est impossible de reproduire en situation réelle les conditions de laboratoire.


 

Le syndicat national des Fabricants d'Isolants en Laines Minérales Manufacturées Le FILMM est le syndicat professionnel de l’isolation qui regroupe Eurocoustic et Isover de Saint-Gobain, Knauf insulation, Rockwool et Ursa.

Le procès entre Actis et Le FILMM 

Le FILMM a intenté un procès le 02/03/1999 contre la société ACTIS pour publicité mensongère pour l’annonce : « Le TRISO-SUPER 9 isole autant que 20 cm de laine de verre ».
Après pratiquement 18 ans de procédure et 10 ans d’expertise, le FILMM avait été débouté des fins de ses demandes et avait été condamné aux dépens. La Cour d’appel de Versailles avait rendu son jugement le 10/01/2017.

Le puissant syndicat Le Filmm s'attaquait à un petit fabricant de PMR (produit mince réfléchissant) Actis situé à Limoux dans l'Aude. Le but était de lui nuire en portant plainte pour publicité mensongère. En effet, Actis communiquait dans une publicité à la fin des années 1990, en affirmant que son isolant Triso Super 9 était aussi efficace que 20 cm de laine minérale (de verre).(1)

Le test d'isolants en situation réelle 

À  la demande de la Cour d’appel de Versailles un test in situ a été réalisé dans des situations normales afin d'évaluer les performances respectives de la laine de verre et du produit mince réfléchissant Actis, 2 chalets avaient été édifiés sur un terrain à Castanet près d'Albi (Tarn 81) et avaient été isolés avec les 2 produits. 

Les experts désignés avaient mesuré les niveaux de consommation énergétique des 2 constructions tout en prenant en compte les avis des parties au procès. Le delta entre les 2 chalets était de l'ordre de 2,5 (en faveur des laines minérales).

Le FILMM débouté

Toutefois, la cour d'appel avait débouté le Filmm au motif que les niveaux d'étanchéité à l'air atteints lors des tests étaient loin de refléter les conditions de pose des années 90. Les juges de la cour d'appel avaient mentionné que « Le premier test réalisé en situation réelle à Castanet près d'Albi par le laboratoire Néotim, du 3 novembre au 1er décembre 2013, avec pose d'un parement composé de plaques de plâtre jointes, ne saurait donc être estimé significatif et pertinent et permettre de répondre à la question posée puisqu'il n'a pas été pratiqué dans les conditions réelles de l'époque ». Les juges de la cour d'appel avaient donc écarté plusieurs points du rapport.
 

« La procédure auprès de l'Autorité de la Concurrence, pour entente sur le marché de l'isolation, a joué un rôle direct sur cette décision », estimait également à l'époque maître Vincent Lecourt, avocat du syndicat Le Filmm. Les fabricants de laine minérale étaient en effet soupçonnés d'avoir, en lien avec le CSTB, tenté de bloquer l'entrée sur le marché d'un nouvel acteur.

Le Filmm se pourvoyait en cassation contre cette décision.

En novembre 2019, soit après 20 ans de procédures au total, la Cour de Cassation après de nombreuses expertises déboutait définitivement le syndicat de fabricants de laines minérales (2)
L'arrêt mettait en lumière un grave défaut révélant aussi un véritable « Isolgate » sur les performances isolantes réelles des laines minérales, dont celles du leader Isover (filiale de Saint-Gobain).« la crainte du syndicat de voir révéler que les performances thermiques de la laine minérale [étaient] altérées sous l’effet d’un manque d’étanchéité à l’air », était ainsi bel et bien établie.(3).


Selon le syndicat Le SFIRMM (Syndicat des Fabricants d’Isolants Réflecteurs Minces Multicouches), l’association de 4 fabricants d'isolants minces multicouches réflecteurs , ACTIS, ITR, Valtech Industrie et XL MAT, le marché des isolants minces thermo réflecteurs représente environ 5% du marché français de l’isolation, celui de la laine de verre 90 % du marché.


Les travaux d’isolation profitant aux laines minérales bénéficieraient des aides de l’État à la rénovation énergétique à hauteur de 8 milliards d’euros annuels. 
Des pratiques anticoncurrentielles sont destinées à éliminer les concurrents des laines minérales.(4)

L’influence des fabricants puissants 

Les fabricants les plus puissants sont également les plus influents. Ce sont ceux qui siègent dans les différentes commissions et organisations.
Les normes sont édictées par les industriels eux-mêmes qui choisissent les caractéristiques à adopter ce qui favorise leurs produits tout en omettant de parler de caractéristiques défavorables comme l'écoulement à l'air que l'arrêt de la Cour de Cassation a mis en évidence. (5)

Autres exemples

Dans les caractéristiques des isolants, certaines sont importantes. Beaucoup de personnes ont fait l'expérience de séjourner dans une pièce mansardée sous le toit en sous-rampants isolés avec de la laine de verre.

Le taux de tassement :

  • Les fabricants de laines minérales surévaluent le taux de tassement climatique, mais pas de tassement mécanique, car les laines hygrophobes ne sont pas sensibles à la vapeur d'eau. Pour la ouate de cellulose par exemple le taux de tassement n'est que de 8 % avec la méthode du tassement mécanique alors que les valeurs par tassement climatique donnent des résultats supérieurs à 20 % qui ne reflètent pas du tout la réalité.
  • Pour les laines minérales, les valeurs officielles sont de 0,5% alors que la réalité se situe autour de 15 % comme celui de la ouate de cellulose. 
     

Le calcul du Lambda

  • Les calculs de performances thermiques (lambda) sont effectués avec dans une fourchette de température entre 10 et 20 degrés alors que la température sous les tuiles peut varier de -10°C à 80°C.
  • Le lambda n'étant pas une valeur constante en fonction de la température, les résultats s'avèrent erronés, car entre 10°C et 20°C on n’a quasiment pas besoin d'isolation.
  • Par ailleurs L'effusivité, la diffusivité, le déphasage, la perméance à la vapeur d'eau qui sont des valeurs clés pour mesurer l'efficacité d'un isolant sont complètement occultés.
  • Il s'agirait donc d'après la Cour de Cassation d'une omission volontaire.

Le recyclage de la laine de verre

  • Ce recyclage comme annoncé sur les publicités des sites de fabricants de laines minérales laisse penser que la laine de verre se recycle.
  • Il n'existe malheureusement pas de filières de recyclage.
     

Des avis techniques divergeant

  • Les normes françaises dictées par les industriels dans les avis techniques préconisent entre 11 et 13 kg de laine de verre par m3 alors que le DIBt (l'équivalent du CSTB en France), l’Institut allemand de la technologie de construction, demande 21 à 25 kg par m3.
  • Cette incohérence explique en partie l'écoulement d'air accru dans la laine de verre.
  • On note ainsi la présence de conflits d'intérêts avec les différentes organisations.
     

Juge et partie

Le groupe Saint-Gobain agit depuis de nombreuses années en étant juge et partie dans certaines institutions.

Saint-Gobain étant très actif au sein du CSTB y compris lors de la certification des produits (5)
Pour rappel, au cours de l'enquête qui a mené à la condamnation des fabricants de laines minérales, la DGCCRF a perquisitionné dans les locaux du CSTB et mis en évidence les liens délictueux qui existaient notamment entre ISOVER et le dit CSTB. (6)
 

Décision de l'autorité de la concurrence

Le 14 janvier 2020, l'Autorité de la concurrence a rendu publique sa décision concernant le litige qui opposait le CSTB (Centre Scientifique et Technique du bâtiment), la société Isover (filiale de Saint-Gobain) et le Syndicat national des fabricants d'isolants de laines minérales manufacturées (Filmm), le ministère de l'Économie et la société Actis un fabricant de produits minces réfléchissants utilisés dans la rénovation énergétique des bâtiments.
 

L'Autorité de la concurrence a envoyé un communiqué de presse daté du 14 janvier 2021 mentionnant qu'elle avait prononcé un non-lieu dans l'affaire. Selon le ministère de l'Économie et la société Actis, qui avaient tous deux saisi l'Autorité de la concurrence, il existerait des « pratiques d'échange d'informations et d'entente ».

Ces pratiques illicites n'ont pas été « établies » par l'organisme, qui a donc tranché en conséquence pour un non-lieu.

L'Autorité de la concurrence avait enquêté sur 2 griefs principaux :

  • Des échanges d'informations portant « sur la demande d'agrément technique européen présentée par la société Actis, afin que ses produits puissent bénéficier de la marque CE »
  • L'existence d'une "entente visant à entraver l'entrée et la commercialisation" des produits Actis.
     

Une concurrence jugée « loyale »

Après enquête, l'Autorité de la concurrence estimait dans son communiqué que les échanges d'information qui ont effectivement eu lieu n'étaient pas stratégiques et ne portaient pas sur les données commerciales sensibles de la société Actis ou d'autres entreprises actives sur le marché de la fabrication des produits d'isolation thermique. D'autre part, l'autorité de la concurrence n'a identifié aucune pratique relevant de l'entente. Une pratique dont le but serait d'entraver l'entrée et la commercialisation de produits d'isolation thermique.

Des conflits d'intérêts

  • Le plan public pour éliminer les passoires énergétiques est confié à… des groupes privés, des entreprises du CAC 40, de puissants producteurs de biens (Saint-Gobain, Total, Schneider Electric, ENGIE).
  • L'enjeu énorme ce sont des sommes importantes de plusieurs millions d’euros qui proviennent des poches des contribuables (CEE = pollués-payeurs), des deniers publics et de l'Europe.
  • Ces fortunes seront mises à la disposition de groupes industriels, manufacturiers, producteurs de composants, de matières, d'énergie et de matériaux qui logiquement favoriseront leurs produits au détriment de produits vertueux et de notre bien commun : l’environnement.

Saint-Gobain nommé à la tête du programme

Confier le pilotage de normalisation du programme de suppression des logements énergivores à l'industriel Saint-Gobain premier fabricant de laines minérales est-il sain, efficace et éthique ?

  • Un groupe d'industriels mené par Saint-Gobain et accompagné des acteurs de la filière bâtiment remettait à la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon des propositions pour organiser la rénovation énergétique des bâtiments, au cœur du plan de relance.
  • Saint-Gobain veut être le moteur de ce grand plan de rénovation.
  • Il apparaît qu’une intense opération de détricotage a démarré pour intégrer certains produits dans la RE 2020 qui devait pourtant prendre en compte idéalement l’aspect environnemental (7)

Saint-Gobain à la tête du plan de rénovation énergétique : pourrait-il y avoir conflit d’intérêts comme le souligne le journal Le moniteur ? (8)

(1) https://www.batiactu.com/edito/affaire-des-isolants-minces---saint-gobain-isover--38998.php  
(2) https://fpa.fr/2019/actis-communique-de-presse-suite-a-la-decision-de-la-cour-de-cassation-du-20-novembre-
(3) https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/isolgate-la-cour-des-comptes-doit-se-saisir-de-laffaire-1165189 
(4) https://www.lesechos.fr/2015/04/lenquete-sur-les-normes-et-certification-dans-sa-phase-publique-242481 
(5) https://www.lesechos.fr/2014/09/isolation-saint-gobain-accuse-dentente-et-de-pratiques-anticoncurrentielles-1103621 
(6) https://www.lemoniteur.fr/article/isolants-reflecteurs-minces-l-autorite-de-la-concurrence-epingle-saint-gobain-et-le-cstb.1920209 
(7) https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/02/quand-saint-gobain-oriente-la-politique-de-renovation-energetique_6050674_3234.html 
(8) https://www.lemoniteur.fr/article/renovation-energetique-saint-gobain-en-ordre-de-marche-pour-accompagner-le-plan-de-relance.2109814



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